L’unité de THC standardisée au Canada ?
Depuis que le cannabis récréatif a commencé à être vendu légalement au Canada en 2018, la gamme de produits proposés s’est considérablement élargie. Non seulement il y a plus de choix que jamais en termes de types de produits et de façons de les utiliser, mais aussi en termes de niveaux du composant actif, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC). La tendance, tant au Canada qu’à l’étranger, est aux produits de cannabis plus forts et plus puissants, ce qui signifie des niveaux plus élevés de THC. (Hammond et al., 2022) Mais la recherche a montré que la plupart des consommateurs ne sont pas familiers avec les niveaux de THC, ni avec ce qui constitue une dose « faible » ou « élevée » de THC. (Leos-Toro et al., 2020 ; Lineham et al., 2023) Cela peut conduire à une surconsommation accidentelle, entraînant des effets secondaires indésirables et des conséquences négatives pour la santé.
Un article récent de Shea Wood et de ses collègues, publié dans l’International Journal of Drug Policy, présente l’idée d’adopter une unité de THC standardisée au Canada.(Wood et al., 2024) L’unité de THC canadienne standardisée recommandée par les auteurs est de 2,5 mg, ce qui, selon la recherche, serait suffisant pour produire un « high ».(Kleinloog et al., 2014) Cette dose suit également les suggestions de sélection d’une unité standard suffisamment faible pour ne pas causer d’effets secondaires graves chez les nouveaux consommateurs de cannabis, qui sont susceptibles d’avoir une faible tolérance au THC et un plus grand besoin de conseils.(Chester et al., 2020) L’objectif de l’utilisation d’une unité standard de THC serait de mieux informer les consommateurs et de leur donner les moyens de prendre des décisions fondées sur des données probantes dans leur choix de produits et leur consommation de cannabis. Une unité de THC standard similaire est déjà utilisée par les chercheurs dans le domaine du cannabis, mais il y a encore beaucoup de choses à prendre en compte avant de l’adopter sur le marché canadien du cannabis.
Actuellement, le cannabis vendu au Canada est étiqueté avec les quantités de THC sous forme de concentration ou de quantité par dose, ainsi que la quantité totale par contenant (Gouvernement du Canada, 2024). Cependant, il y a beaucoup d’incohérence dans l’étiquetage entre les différents types de produits et entre les différentes provinces, ce qui peut rendre plus difficile pour les consommateurs de faire le lien entre les nombres de THC et la force du produit. Selon M. Wood et ses collègues, l’utilisation d’une unité standard aiderait les gens à comprendre la force d’un produit à base de cannabis, ce qui permettrait aux consommateurs de prédire plus facilement l’effet qu’il aura sur eux. En ajoutant la quantité d’un produit contenant une unité standard, par exemple 1 ml de liquide de vapotage ou 2 morceaux d’un produit comestible, les consommateurs pourraient décider à l’avance de la manière dont ils utiliseront le produit, plutôt que d’essayer de titrer leur consommation au cours de l’usage. Il serait également plus facile de suivre les tendances du marché et d’estimer la quantité de THC consommée par la population au fil du temps, ainsi que l’évolution de la puissance des produits du cannabis eux-mêmes.
L’une des principales questions est de savoir comment appliquer une seule unité de THC à tous les types de produits du cannabis, quelle que soit la manière dont ils sont utilisés. Par exemple, le THC est généralement moins bien absorbé par l’organisme lorsqu’il est consommé que lorsqu’il est fumé ou vapé, ce qui signifie qu’une quantité moindre atteint le cerveau. Wood et ses collègues expliquent que même si le THC contenu dans les produits comestibles est moins bien absorbé, les effets s’équilibrent car une plus grande quantité de THC est convertie en 11-hydroxy-THC, qui est tout aussi psychoactif, voire plus, que le THC. Les auteurs soulignent toutefois que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre comment le THC contenu dans les différents types de cannabis affecte les personnes, d’autant plus qu’il existe de nombreux autres cannabinoïdes, tels que le cannabidiol (CBD) et le delta-8-THC, qui diffèrent également d’un produit à l’autre.
Le choix et la mise en œuvre d’une unité canadienne de THC nécessiteront la prise en compte de nombreux facteurs, notamment la quantité de THC susceptible de causer des problèmes de santé en cas de consommation fréquente sur une longue période, et la manière dont l’unité normalisée s’inscrirait dans les lignes directrices et la politique actuelles en matière de santé publique. D’autres experts soutiennent que la méthode actuelle de mesure du THC en milligrammes peut répondre à tous les besoins de l’unité standard proposée. Si une unité standard de THC est adoptée au Canada, une campagne d’éducation publique à long terme sera nécessaire pour apprendre aux consommateurs ce que représente une unité de THC et comment elle peut différer d’un produit à l’autre. En fin de compte, toute décision prise doit répondre à l’objectif central de la loi sur le cannabis, à savoir « protéger la santé et la sécurité publiques » (Gouvernement du Canada, 2018).
Article par Lucy Chester
Références
Chester, L. A., Chesney, E., Oliver, D., Wilson, J., & Englund, A. (2020). How experimental cannabinoid studies will inform the standardized THC unit. Addiction, 115(7), 1217-1218. https://doi.org/10.1111/add.14959
Government of Canada. (2018). Cannabis Act (S. C. 2018, c. 16). Retrieved 20/11/2024 16:50 from https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-24.5/
Government of Canada. (2024, 30/01/2024). How to read and understand a cannabis product label. Retrieved 20/11/2024 16:05 from https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-medication/cannabis/personal-use/how-read-understand-cannabis-product-label.html
Hammond, D., Goodman, S., Wadsworth, E., Freeman, T. P., Kilmer, B., Schauer, G., Pacula, R. L., & Hall, W. (2022). Trends in the use of cannabis products in Canada and the USA, 2018 – 2020: Findings from the International Cannabis Policy Study. Int J Drug Policy, 105, 103716. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2022.103716
Kleinloog, D., Roozen, F., De Winter, W., Freijer, J., & Van Gerven, J. (2014). Profiling the subjective effects of Δ 9 -tetrahydrocannabinol using visual analogue scales. In International Journal of Methods in Psychiatric Research (Vol. 23, pp. 245-256).
Leos-Toro, C., Fong, G. T., Meyer, S. B., & Hammond, D. (2020). Cannabis labelling and consumer understanding of THC levels and serving sizes. Drug Alcohol Depend, 208, 107843. https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2020.107843
Lineham, J., Wadsworth, E., & Hammond, D. (2023). Self-reported THC content and associations with perceptions of feeling high among cannabis consumers. Drug Alcohol Rev, 42(5), 1142-1152. https://doi.org/10.1111/dar.13664
Wood, S., Gabrys, R., Freeman, T., & Hammond, D. (2024). Canada’s THC unit: Applications for the legal cannabis market. International Journal of Drug Policy, 128, 104457. https://doi.org/https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2024.104457