En 2018, 14% de la population québécoise de 15 ans et plus rapportait consommer du cannabis (1). Il s’agit d’une situation qui évolue rapidement : en effet, on sait qu’en 2024, soit 6 ans après la légalisation de l’utilisation du cannabis à des fins non médicales au Canada, c’est un peu plus de 18% de cette même population qui déclare avoir consommé du cannabis au cours des 12 dernier mois (2).
Bien qu’il soit reconnu que la consommation de cannabis ait généralement peu d’effets adverses sur une grande majorité de la population, certaines personnes sont davantage à risque de développer des effets délétères sur la santé. Une utilisation dite à risque est souvent associée au sexe masculin, à un plus faible statut socio-économique et des indices de santé moins favorables, à un niveau d’éducation moindre ainsi qu’à des habitudes d’utilisation où la fréquence et la durée de consommation sont importantes (3-5). Lorsqu’on parle d’effets adverses, on peut penser, entre autres, à une diminution de la capacité globale du fonctionnement, aux troubles de santé mentale, à des accidents de véhicules motorisés et à la dépendance au cannabis (6). Les personnes présentant des prédispositions à certains troubles de santé mentale, tels que les troubles psychotiques, ont davantage de chance de les démasquer si leur consommation devient fréquente et si les produits utilisés comportent un haut niveau de THC (7,8).
L’utilisation de cannabis à la suite d’un événement ou à la suite de symptômes psychotiques est parfois poursuivie chez certaines personnes, et la compréhension des facteurs qui entrent en jeu dans le maintien de cette habitude n’est pas complètement établie. Certains facteurs ont toutefois été identifiés comme favorisant la consommation de cannabis en général, tel le désir de réduire le stress, l’isolement social, la pression des pairs ou encore un manque d’informations en lien avec les effets secondaires liés à la consommation de cannabis et à la concentration en THC dans les produits consommés (9). Il reste encore à expliquer si et comment ces comportements (et bien d’autres) ont un impact sur la vie d’adultes vivant avec un trouble psychotique, afin de pouvoir offrir des services adaptés à leurs besoins et qui reflètent leur réalité.
Le projet COMPREHENSION, mis en place dans notre laboratoire grâce au soutien financier des Fonds de Recherche du Québec – Santé (FRQS), se penche sur la question, notamment en mettant en place une étude qualitative. À l’inverse de l’approche quantitative, il s’agit d’un devis de recherche qui tente de comprendre une réalité en discutant, en observant et en recueillant de façon systématique des données généralement sous formes de discussions. Cela permet de répondre aux questions comme Pourquoi et Comment, ce qui, dans le cadre de cette étude, s’agence avec la volonté de saisir la nature de certains comportements, et non pas de répondre à une question pointue. Afin de réaliser cette étude, des entrevues seront effectuées avec des individus consommant du cannabis et ayant eu un épisode psychotique. Pour pousser l’idée plus loin, et mieux comprendre les facteurs entourant leurs situations, des entrevues avec l’un de leurs proches seront aussi réalisées : ainsi une meilleure compréhension de différents facteur biologiques, psychologiques et sociaux sera établie. Le projet COMPREHENSION se construit grâce à l’aide de personnes avec expériences vécues (PAEV), ainsi que leurs proches. Dans un souci de vouloir offrir des résultats qui bénéficieront cette population, en plus de répondre aux entrevues qui bâtira la base de données, elle participera à la production du guide d’entretien, et tout au long du projet, sera encouragée à partager son opinion sur le déroulement de l’étude. En y incluant des personnes avec un savoir expérientiel, le projet s’assure de permettre aux individus de participer à ce projet en tant qu’experts de leur propre situation, et pouvoir avoir un impact concret sur des sujets qui les touchent directement.
Article par Alexis Doucet
Références
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Statistics Canada. National Cannabis Survey, first quarter 2019 Ottawa: Government of Canada; 2019 [Available from: https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/daily-quotidien/190502/dq190502a- eng.pdf?st=TQEzeqzW.
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Institut national de santé publique du Québec. (2025, 5 mai). Consommation de cannabis chez la population générale. In Substances psychoactives – Cannabis. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/substances-psychoactives/cannabis/consommation-population-generale
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Fischer B, Robinson T, Bullen C, Curran V, Jutras-Aswad D, Medina-Mora ME, et al. Lower-Risk Cannabis Use Guidelines (LRCUG) for reducing health harms from non-medical cannabis use: A comprehensive evidence and recommendations update. Int J Drug Policy. 2022 Jan;99 DOI: 10.1016/j.drugpo.2021.103381.
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Institut de la statistique du Québec. l’Enquête québécoise sur le cannabis (EQC 2019) Quebec: Gouvernement du Québec; 2020 [Available from: https://statistique.quebec.ca/fr/fichier/enquete- quebecoise-sur-le-cannabis-2019-la-consommation-de-cannabis-et-les-perceptions-des- quebecois-portrait-et-comparaison-avec-ledition-de-2018.pdf.
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Fischer B, Russell C, Rehm J, Leece P. Assessing the public health impact of cannabis legalization in Canada. Journal of Public Health. 2019;41(2):412–21 DOI: 10.1093/pubmed/fdy090.
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Roterman Mea. Analysis of trends in the prevalence of cannabis use and related metrics in Canada. Health Reports. 2019;30 (6):3-13 DOI: 10.25318/82-003-x201900600001-eng.
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Wittchen H-U, Behrendt S, Höfler M, Perkonigg A, Rehm J, Lieb R, et al. A typology of cannabis- related problems among individuals with repeated illegal drug use in the first three decades of life: Evidence for heterogeneity and different treatment needs. Drug Alcohol Depend. 2009 DOI: 10.1016/j.drugalcdep.2009.02.012.
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Vassos E, Sham P, Kempton M, Trotta A, Stilo SA, Gayer-Anderson C, et al. The Maudsley environmental risk score for psychosis. Psychol Med, 2020;50(13):2213-20 DOI: 10.1017/S0033291719002319.
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Patel R, Wilson R, Jackson R, Ball M, Shetty H, Broadbent M, et al. Association of cannabis use with hospital admission and antipsychotic treatment failure in first episode psychosis: an observational study. BMJ Open. 2016;6(3):e009888 DOI: 10.1136/bmjopen-2015-009888.