Catégories

Traitements innovants en toxicomanie

Septembre 2025


Pourquoi consomme-t-on du cannabis?

Depuis sa légalisation au Canada en 2018, le cannabis fait désormais partie du paysage culturel et sociétal québécois. En 2024, près d’une personne sur cinq âgée de 15 ans et plus rapportait en avoir consommé au cours des 12 derniers mois (1). Cependant, derrière cette statistique se cache une question essentielle : pourquoi les gens consomment-ils du cannabis?

Les raisons sont variées. Pour certains, c’est avant tout une recherche de plaisir ou de détente. D’autres l’utilisent pour réduire le stress, mieux dormir ou encore soulager des douleurs physiques (2,3). Chez les jeunes adultes, la curiosité et l’influence des amis jouent aussi un rôle important (4). Enfin, certaines personnes ayant des troubles anxieux ou dépressifs rapportent s’en servir comme une forme d’automédication (5).

Toutefois, ces effets recherchés peuvent varier selon les individus et même au fil du temps. Le cannabis agit sur le système endocannabinoïde (SEC), qui régule l’équilibre interne du corps. Cela explique que les effets puissent être bi-directionnels : une même substance peut, selon la dose, le contexte et la personne, réduire ou au contraire augmenter l’anxiété; favoriser l’endormissement, mais aussi, dans certains cas, perturber le sommeil. De manière générale, les doses élevées de THC sont surtout associées à la fatigue et à la somnolence, mais des situations particulières (par exemple lors de l’arrêt de consommation ou chez certaines populations cliniques) peuvent s’accompagner d’insomnie. Cet aspect souligne l’importance de considérer ce qui est consommé, comment et quand, afin de limiter les effets indésirables et de maximiser les bienfaits potentiels (6–8).

Le contexte social influence aussi beaucoup la consommation. Des études montrent que l’isolement, un faible revenu ou encore le manque de soutien augmentent la probabilité d’utiliser le cannabis comme stratégie pour « mieux faire face » (8). Cela montre bien que la consommation ne dépend pas seulement des préférences individuelles, mais aussi des conditions de vie et du bien-être global de la personne.

En gros, il existe une multitude de raisons derrière l’usage du cannabis. Comprendre ces motivations est essentiel pour mieux prévenir les consommations problématiques et en optimiser les bénéfices. Offrir de l’information claire sur les risques, fournir de l’accompagnement personnalisé et des trucs de consommations à moindre risque, proposer des alternatives pour gérer le stress et améliorer l’accès à des ressources de soutien peuvent aider à réduire les conséquences négatives liées au cannabis, mieux comprendre la réalité des personnes qui en font usage et améliorer les bénéfices thérapeutiques.

 

Article par Fares Kadous

Références

  1. Statistique Canada. Enquête canadienne sur le cannabis, 2024. Ottawa : Gouvernement du Canada; 2024. Disponible sur : https://www.statcan.gc.ca/

  2. Lee CM, Neighbors C, Woods BA. Marijuana motives: Young adults’ reasons for using marijuana. Addict Behav. 2007;32(7):1384-94. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17097817/

  3. Bonn-Miller MO, Harris AH, Trafton JA. Prevalence of cannabis use disorder diagnoses among veterans in 2002, 2008, and 2009. J Subst Abuse Treat. 2012;43(1):163-7. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21261407/

  4. Scholes-Balog KE, Hemphill SA, Patton GC, Toumbourou JW. Cannabis use and related harms in the transition to young adulthood: A longitudinal study of Australian secondary school students. Drug Alcohol Rev. 2016;35(2):161-9. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23522345/

  5. Lev-Ran S, Imtiaz S, Rehm J, Le Foll B. Exploring the association between lifetime prevalence of mental illness and transition from first use to dependence on cannabis. Compr Psychiatry. 2013;54(7):850-6.

  6. Volkow ND, Baler RD, Compton WM, Weiss SRB. Adverse health effects of marijuana use. N Engl J Med. 2014;370(23):2219-27. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24897085/

  7. Bahorik AL, Sterling SA, Campbell CI, Weisner C, Ramo D, Satre DD. Medical and non-medical marijuana use in depression: Longitudinal associations with suicidal ideation, everyday functioning, and psychiatry service utilization. J Addict Med. 2017;11(2):136-43. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30086434/

  8. Fergusson DM, Boden JM. Cannabis use and later life outcomes. Addiction. 2008;103(6):969-76. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18482420/


Catégories

Traitements innovants en toxicomanie

Août 2025


Cannabis et cognition, la différence de sexe aurait-t-elle un impact ?

 

Selon l’Enquête canadienne sur le cannabis de 2024, le cannabis est aujourd’hui la substance psychoactive la plus consommée et la plus socialement acceptée au Canada, après l’alcool et le tabac (1). Cette acceptabilité sociale découlant de son acceptabilité législative récente permet d’étudier le cannabis sous un tout nouvel angle afin d’en exploiter les bienfaits et de réduire les méfaits parfois possibles, bien que cette substance soit une des substances les plus anciennement documentées. Parmi la pluralité de ses effets pharmacologiques et sur la santé, plusieurs données se penchent sur son lien avec la cognition. La cognition englobe l’ensemble des processus mentaux associés à la perception, à la compréhension, au raisonnement etc. Le cannabis jouerait ainsi un rôle majeur sur la mémoire de travail, l’attention soutenue ainsi que d’autres fonctions exécutives qui ont été décrites à maintes reprises chez l’humain (2). Mais ces effets varient-ils selon le genre et le sexe ?

 

Une récente revue systématique par Matheson et al. s’est penchée sur cette question et suggère que les femmes pourraient être plus sensibles aux effets aigus du cannabis, particulièrement en ce qui concerne la mémoire et l’attention (3). Ainsi, pour une même dose donnée de cannabis, les individus de sexe féminin montreraient davantage de difficultés à maintenir l’information en mémoire de travail. En revanche, les individus de sexe masculin, semblent présenter plus souvent des altérations cognitives persistantes (psychomotrices et rapidité cognitive) en association avec un usage chronique (4). D’autres études antérieures explorant ces facteurs avaient par ailleurs démontré que les femmes rapportaient des effets subjectifs au cannabis plus prononcés que les hommes (5).

 

Ces variations d’effets en fonction du genre et du sexe peuvent être partiellement expliqués par la modulation différentielle du système endocannabinoïde par les hormones sexuelles en interaction avec l’environnement. Plus particulièrement, l’œstrogène interagirait avec les récepteurs cannabinoïdes CB1 en modulant leur densité dans certaines régions cérébrales, agissant sur les systèmes de régulation de plasticité synaptique via des voies intracellulaires et influencerait ainsi la réponse cognitive au THC (6). L’interaction avec l’environnement (facteurs de stress, alimentation, environnement social) quant à elle peut être observée par des mécanismes épigénétiques impactant l’expression des récepteurs CB1 et l’activité des enzymes du système endocannabinoïde (7). De plus, en prenant compte la composition adipeuse plus importante chez les femmes et la forte lipophilie du THC, le métabolisme, la distribution au sein des tissus ainsi que l’élimination du cannabis peuvent être influencés entrainant un stockage plus important du THC chez les femmes et une libération en continue prolongée par rapport aux hommes, affectant les taux plasmatiques de cannabinoïdes et, potentiellement, certaines des fonctions du SEC. Enfin, d’autres facteurs tels que les déterminants sociaux et psychologiques liés au genre (patrons de consommation de cannabis, contextes d’usage) peuvent accentuer ou atténuer ces différences d’effets observés.

 

Ces résultats, bien que préliminaires, soulignent l’importance d’intégrer de manière systématique une analyse comprenant le sexe et le genre au sein des études mesurant les effets aigus et chroniques liés à la consommation de cannabis. Dans un cadre plus large encore, ces données soulignent l’importance d’adopter une approche personnalisée dans la recherche menée sur les effets du cannabis et des cannabinoïdes, en tenant compte des différences interindividuelles susceptibles d’expliquer leur variabilité et d’ouvrir de nouvelles perspectives d’exploration. Dans un contexte de santé publique, ces données peuvent solidifier les messages de prévention en affinant le contenu et le public cible afin de réduire les risques associés à l’usage du cannabis non thérapeutique. Les différences sexuelles, dont la compréhension demeure incomplète, permettent d’ouvrir un champ de recherche crucial pouvant permettre d’adapter les recommandations cliniques et de santé publique.

 

Article par Amani Mahroug

Références

  1. Santé Canada. Enquête canadienne sur le cannabis de 2024 : Sommaire [Internet]. Ottawa : Gouvernement du Canada; [cité le 25 septembre 2025.]. Disponible à : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/drogues-medicaments/cannabis/recherches-donnees/enquete-canadienne-cannabis-2024-sommaire.html

  2. Kroon E, Kuhns L, Cousijn J. The short-term and long-term effects of cannabis on cognition: recent advances in the field. Curr Opin Psychol. 2021;38:49-55. doi:10.1016/j.copsyc.2020.09.003

  3. Matheson J, Le Foll B. Sex differences in the acute effects of cannabis on human cognition: a systematic review. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry. 2025;101215. doi:10.1016/j.yfrne.2025.101215. (PMID: 40819776)

  4. Schnakenberg Martin AM, D’Souza DC, Newman SD, Hetrick WP, O’Donnell BF. Differential Cognitive Performance in Females and Males with Regular Cannabis Use. J Int Neuropsychol Soc. 2021;27(6):570-580. doi:10.1017/S1355617721000606

  5. Cuttler C, Mischley LK, Sexton M. Sex Differences in Cannabis Use and Effects: A Cross-Sectional Survey of Cannabis Users. Cannabis Cannabinoid Res. 2016;1(1):166-75. doi:10.1089/can.2016.0010

  6. Simons SB, McEwen BS. Estrogen and endocannabinoids in hippocampal synaptic plasticity. Int J Mol Sci. 2024;25(22):11909. doi:10.3390/ijms252211909

  7. Machado AS, Bragança M, Vieira-Coelho MA. Epigenetic effects of cannabis: A systematic scoping review. Drug Alcohol Depend. 2024;263:111401. doi:10.1016/j.drugalcdep.2024.111401


Catégories

Traitements innovants en toxicomanie

Juillet 2025


Devrions-nous prescrire du cannabis médical pour traiter les symptômes de sevrage chez les personnes admises dans des hôpitaux psychiatriques ?

Une étude menée par Dr Aliyah Malik et ses collègues suggère que les personnes qui arrêtent soudainement de consommer du cannabis lorsqu’elles sont hospitalisées pour un problème de santé mentale courent un risque plus élevé de voir leur état se détériorer quelques jours après leur admission.

Le bref rapport publié dans JAMA Psychiatry en juin de cette année a révélé que les consommateurs de cannabis sont plus susceptibles d’être transférés dans une unité de soins intensifs psychiatriques (USIP) après avoir été admis dans le service de psychiatrie générale d’un hôpital (1). Cela était particulièrement vrai les 3e, 4e et 5e jours suivant l’admission à l’hôpital, période pendant laquelle les symptômes de sevrage du cannabis sont généralement les plus intenses.

Qu’est-ce qu’une USIP ?

Une unité de soins intensifs psychiatriques, ou USIP, est un service spécialisé qui offre des soins plus intensifs que les services psychiatriques généraux. Ces services disposent d’un personnel plus nombreux pour chaque patient et de mesures de sécurité plus strictes. Les personnes souffrant de troubles mentaux graves peuvent être amenées à séjourner dans une USIP si elles présentent des comportements particulièrement perturbants et difficiles à traiter, généralement de la violence et de l’agressivité, qui pourraient les mettre en danger ou mettre en danger d’autres personnes dans un service général.

Qu’est-ce que le sevrage du cannabis ?

Une partie des personnes qui consomment beaucoup de cannabis développent des symptômes de sevrage lorsqu’elles arrêtent. Les symptômes possibles comprennent l’irritabilité, l’anxiété, des troubles du sommeil, une perte d’appétit, une humeur dépressive et des symptômes physiques tels que maux de tête, crampes d’estomac, tremblements et transpiration.(2) Les symptômes apparaissent généralement 1 à 2 jours après l’arrêt de la consommation de cannabis, atteignent leur pic entre le 2e et le 6e jour et disparaissent après 1 à 3 semaines. En général, plus une personne consomme de cannabis et plus elle en consomme souvent, plus les symptômes de sevrage sont graves et plus ils durent longtemps.(3) Récemment, le sevrage du cannabis a été associé à la réapparition des symptômes chez les personnes vivant avec la psychose.(4) Cela pourrait signifier que les personnes qui doivent composer avec des enjeux de santé mentale sévère tels que la schizophrénie et qui arrêtent soudainement de consommer du cannabis en raison d’une hospitalisation, pourraient être particulièrement vulnérables aux effets du sevrage du cannabis.

Quels sont les résultats de cette étude ?

L’étude menée par le Dr Malik et ses collègues a examiné les données de toutes les personnes qui ont été admises dans l’un des quatre hôpitaux psychiatriques de Londres, au Royaume-Uni, entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2023 (à l’exception de la période du 26 mars 2020 au 26 avril 2022 en raison de la pandémie de COVID-19). Au total, 47,2 % des 52 088 personnes admises consommaient déjà activement du cannabis.

Entre 3 et 5 jours après leur admission à l’hôpital, période pendant laquelle les symptômes de sevrage du cannabis sont susceptibles d’apparaître, les personnes faisant usage de cannabis étaient 41 % plus susceptibles d’être transférés dans une unité de soins intensifs pédiatriques que les non-consommateurs. En tenant compte d’autres facteurs tels que l’âge, le sexe, l’origine ethnique et la consommation d’autres drogues et d’alcool, ce risque a été réduit à 36 %, ce qui reste une augmentation significative. Certains groupes de population étaient particulièrement vulnérables : les femmes qui consommaient du cannabis étaient deux fois plus susceptibles d’être admises dans une unité de soins intensifs pédiatriques entre le troisième et le cinquième jour que les femmes qui n’en consommaient pas. De plus, le fait d’avoir plus de 35 ans et de consommer du cannabis augmentait de 2,5 fois le risque d’être traité en unité de soins intensifs pédiatriques par rapport aux non-consommateurs du même groupe d’âge.

Une autre explication de ces résultats pourrait être l’hypothèse de l’automédication, selon laquelle les personnes consomment du cannabis pour soulager leurs symptômes et voient leur état s’aggraver lorsqu’elles cessent d’en consommer. Cependant, si la plupart des études cliniques ont montré que le cannabis  peut entraîner une amélioration temporaire de l’humeur et une diminution des symptômes négatifs (par exemple, parler moins, manque de motivation, incapacité à éprouver du plaisir, diminution des interactions sociales), il a également tendance à aggraver les symptômes positifs de la psychose (par exemple, hallucinations, délires, pensée désorganisée, comportement erratique ou agité), et ce sont généralement les symptômes positifs qui conduisent une personne à être transférée dans une unité de soins intensifs psychiatriques. (5) Cela dit, il existe également des preuves, issues notamment d’études de cas, qu’une minorité de personnes atteintes de psychose voient leur état s’améliorer lorsqu’elles consomment du cannabis,(6) ce qui montre la  complexité des interactions entre le cannabis et la santé mentale.

En somme, bien que cette étude n’ait pas pu mesurer directement les symptômes de sevrage du cannabis, en se concentrant sur la période spécifique où ces symptômes atteignent leur pic, elle a pu établir un lien pertinent avec le besoin de soins plus agressifs. Mais comment pouvons-nous réduire ce fardeau pour les patients ?

Quelle est la prochaine étape ?

Il n’existe actuellement aucun médicament approuvé pour traiter le sevrage du cannabis. Une possibilité pourrait être la thérapie de substitution, similaire à la substitution nicotinique pour le sevrage du tabac. De nombreuses études ont été menées sur le traitement du sevrage du cannabis à l’aide d’agonistes des récepteurs cannabinoïdes (c’est-à-dire des dérivés du cannabis et des médicaments qui agissent sur le cerveau comme le cannabis) (7), et il existe quelques exemples de personnes qui utilisent ces médicaments hors AMM. (3) Cependant, aucun essai clinique sur la thérapie de substitution au cannabis n’a été mené chez des personnes souffrant de troubles mentaux graves. En outre, les effets indésirables de ces traitements seraient probablement plus graves chez les personnes souffrant de troubles psychiatriques, plusieurs études montrant que les personnes atteintes de troubles mentaux tels que la schizophrénie voient leurs symptômes s’aggraver avec la consommation de cannabis (6, 8).

Les auteurs concluent que les recherches futures devraient se concentrer sur la recherche de traitements sûrs et efficaces pour le sevrage du cannabis, adaptés aux personnes souffrant de troubles mentaux graves. En attendant, les cliniciens qui travaillent avec des personnes en soins psychiatriques aigus doivent être conscients de la possibilité d’un sevrage du cannabis.

Article par Lucy Chester

Références

  1. Malik A, Shetty H, Oliver D, Reilly TJ, Di Forti M, McGuire P, et al. Cannabis Withdrawal and Psychiatric Intensive Care. JAMA Psychiatry. 2025.

  2. American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. 5th ed. Arlington, VA2013.

  3. Connor JP, Stjepanović D, Budney AJ, Le Foll B, Hall WD. Clinical management of cannabis withdrawal. Addiction. 2022;117(7):2075-95.

  4. Chesney E, Reilly TJ, Scott F, Slimani I, Sarma A, Kornblum D, et al. Psychosis associated with cannabis withdrawal: systematic review and case series. The British Journal of Psychiatry. 2024:1-12.

  5. Schwarcz G, Karajgi B, McCarthy R. Synthetic Δ-9-Tetrahydrocannabinol (Dronabinol) Can Improve the Symptoms of Schizophrenia. Journal of Clinical Psychopharmacology. 2009;29(3).

  6. Henquet C, van Os J, Kuepper R, Delespaul P, Smits M, Campo JÀ, et al. Psychosis reactivity to cannabis use in daily life: an experience sampling study. British Journal of Psychiatry. 2010;196(6):447-53.

  7. Werneck MA, Kortas GT, de Andrade AG, Castaldelli-Maia JM. A Systematic Review of the Efficacy of Cannabinoid Agonist Replacement Therapy for Cannabis Withdrawal Symptoms. CNS Drugs. 2018;32(12):1113-29.

  8. Sideli L, Quigley H, La Cascia C, Murray RM. Cannabis Use and the Risk for Psychosis and Affective Disorders. Journal of Dual Diagnosis. 2020;16:22-42.


Catégories
Traitements innovants en toxicomanie

Juin 2025

Le laboratoire de Didier Jutras-Aswad brille à « Explique-moi ta science »

Imaginez essayer d’expliquer une science complexe en seulement cinq minutes – c’est exactement ce que notre brillante communauté étudiante et postdoctorante a fait lors du premier événement « Explique-moi ta science » le 20 mai dernier! Tenu à l’amphithéâtre du CRCHUM, cet événement a été une occasion fantastique pour les laboratoires du centre de recherche de partager leur travail avec la communauté. La postdoctorante Lucy Chester et la candidate à la maîtrise Anita Abboud ont fièrement représenté le laboratoire de recherche Didier Jutras-Aswad lors de cet événement haut en couleur.

Lucy s’est attaquée à l’intrigante question : « C’est dans le sang : Le CBD modifie-t-il la quantité de THC que vous obtenez de votre cannabis? » Sa présentation, basée sur une méta-analyse, a révélé « qu’en moyenne, le CBD augmentait en fait l’exposition du corps au THC et à son produit de décomposition actif, le 11-OH-THC. »

Anita a ensuite pris la scène avec son projet de maîtrise : « Le cannabis sans l’euphorie : que fait réellement le CBD? » Elle a expliqué : « Ma recherche a examiné comment le CBD interagit avec le système endocannabinoïde de notre corps à des doses courantes. Fait intéressant, les résultats suggèrent que prendre simplement plus de CBD ne signifie pas nécessairement des effets plus forts, ce qui souligne vraiment le besoin de meilleures directives sur l’utilisation du CBD. »

Nous ne pourrions être plus fiers de Lucy et Anita pour leur incroyable participation! Et un immense bravo à Anita, qui a remporté le troisième prix!

 

Article par Heidar Sharafi

Catégories
Traitements innovants en toxicomanie

Mai 2025

En 2018, 14% de la population québécoise de 15 ans et plus rapportait consommer du cannabis (1). Il s’agit d’une situation qui évolue rapidement : en effet, on sait qu’en 2024, soit 6 ans après la légalisation de l’utilisation du cannabis à des fins non médicales au Canada, c’est un peu plus de 18% de cette même population qui déclare avoir consommé du cannabis au cours des 12 dernier mois (2). 

 

Bien qu’il soit reconnu que la consommation de cannabis ait généralement peu d’effets adverses sur une grande majorité de la population, certaines personnes sont davantage à risque de développer des effets délétères sur la santé. Une utilisation dite à risque est souvent associée au sexe masculin, à un plus faible statut socio-économique et des indices de santé moins favorables, à un niveau d’éducation moindre ainsi qu’à des habitudes d’utilisation où la fréquence et la durée de consommation sont importantes (3-5). Lorsqu’on parle d’effets adverses, on peut penser, entre autres, à une diminution de la capacité globale du fonctionnement, aux troubles de santé mentale, à des accidents de véhicules motorisés et à la dépendance au cannabis (6). Les personnes présentant des prédispositions à certains troubles de santé mentale, tels que les troubles psychotiques, ont davantage de chance de les démasquer si leur consommation devient fréquente et si les produits utilisés comportent un haut niveau de THC (7,8).  

 

L’utilisation de cannabis à la suite d’un événement ou à la suite de symptômes psychotiques est parfois poursuivie chez certaines personnes, et la compréhension des facteurs qui entrent en jeu dans le maintien de cette habitude n’est pas complètement établie. Certains facteurs ont toutefois été identifiés comme favorisant la consommation de cannabis en général, tel le désir de réduire le stress, l’isolement social, la pression des pairs ou encore un manque d’informations en lien avec les effets secondaires liés à la consommation de cannabis et à la concentration en THC dans les produits consommés (9). Il reste encore à expliquer si et comment ces comportements (et bien d’autres) ont un impact sur la vie d’adultes vivant avec un trouble psychotique, afin de pouvoir offrir des services adaptés à leurs besoins et qui reflètent leur réalité.  

 

Le projet COMPREHENSION, mis en place dans notre laboratoire grâce au soutien financier des Fonds de Recherche du Québec – Santé (FRQS), se penche sur la question, notamment en mettant en place une étude qualitative. À l’inverse de l’approche quantitative, il s’agit d’un devis de recherche qui tente de comprendre une réalité en discutant, en observant et en recueillant de façon systématique des données généralement sous formes de discussions. Cela permet de répondre aux questions comme Pourquoi et Comment, ce qui, dans le cadre de cette étude, s’agence avec la volonté de saisir la nature de certains comportements, et non pas de répondre à une question pointue. Afin de réaliser cette étude, des entrevues seront effectuées avec des individus consommant du cannabis et ayant eu un épisode psychotique. Pour pousser l’idée plus loin, et mieux comprendre les facteurs entourant leurs situations, des entrevues avec l’un de leurs proches seront aussi réalisées : ainsi une meilleure compréhension de différents facteur biologiques, psychologiques et sociaux sera établie. Le projet COMPREHENSION se construit grâce à l’aide de personnes avec expériences vécues (PAEV), ainsi que leurs proches. Dans un souci de vouloir offrir des résultats qui bénéficieront cette population, en plus de répondre aux entrevues qui bâtira la base de données, elle participera à la production du guide d’entretien, et tout au long du projet, sera encouragée à partager son opinion sur le déroulement de l’étude. En y incluant des personnes avec un savoir expérientiel, le projet s’assure de permettre aux individus de participer à ce projet en tant qu’experts de leur propre situation, et pouvoir avoir un impact concret sur des sujets qui les touchent directement. 

 

Article par Alexis Doucet

Références

  1. Statistics Canada. National Cannabis Survey, first quarter 2019 Ottawa: Government of Canada; 2019 [Available from: https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/daily-quotidien/190502/dq190502a- eng.pdf?st=TQEzeqzW.  

  2. Institut national de santé publique du Québec. (2025, 5 mai). Consommation de cannabis chez la population générale. In Substances psychoactives – Cannabis. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/substances-psychoactives/cannabis/consommation-population-generale 

  3. Fischer B, Robinson T, Bullen C, Curran V, Jutras-Aswad D, Medina-Mora ME, et al. Lower-Risk Cannabis Use Guidelines (LRCUG) for reducing health harms from non-medical cannabis use: A comprehensive evidence and recommendations update. Int J Drug Policy. 2022 Jan;99 DOI: 10.1016/j.drugpo.2021.103381. 

  4. Institut de la statistique du Québec. l’Enquête québécoise sur le cannabis (EQC 2019) Quebec: Gouvernement du Québec; 2020 [Available from: https://statistique.quebec.ca/fr/fichier/enquete- quebecoise-sur-le-cannabis-2019-la-consommation-de-cannabis-et-les-perceptions-des- quebecois-portrait-et-comparaison-avec-ledition-de-2018.pdf. 

  5. Fischer B, Russell C, Rehm J, Leece P. Assessing the public health impact of cannabis legalization in Canada. Journal of Public Health. 2019;41(2):412–21 DOI: 10.1093/pubmed/fdy090. 

  6. Roterman Mea. Analysis of trends in the prevalence of cannabis use and related metrics in Canada. Health Reports. 2019;30 (6):3-13 DOI: 10.25318/82-003-x201900600001-eng.  

  7. Wittchen H-U, Behrendt S, Höfler M, Perkonigg A, Rehm J, Lieb R, et al. A typology of cannabis- related problems among individuals with repeated illegal drug use in the first three decades of life: Evidence for heterogeneity and different treatment needs. Drug Alcohol Depend. 2009 DOI: 10.1016/j.drugalcdep.2009.02.012.   

  8. Vassos E, Sham P, Kempton M, Trotta A, Stilo SA, Gayer-Anderson C, et al. The Maudsley environmental risk score for psychosis. Psychol Med, 2020;50(13):2213-20 DOI: 10.1017/S0033291719002319.  

  9. Patel R, Wilson R, Jackson R, Ball M, Shetty H, Broadbent M, et al. Association of cannabis use with hospital admission and antipsychotic treatment failure in first episode psychosis: an observational study. BMJ Open. 2016;6(3):e009888 DOI: 10.1136/bmjopen-2015-009888.

Catégories
Traitements innovants en toxicomanie

Avril 2025

L’importance de prendre en compte la santé du sommeil dans les interventions pour les troubles liés à l’usage de substances

Les troubles du sommeil sont fréquents chez les jeunes adultes, les données indiquant qu’environ 40 % des personnes de ce groupe d’âge présentent au moins un trouble du sommeil (McArdle et al., 2020). Des études ont montré que ces troubles pourraient jouer un rôle contributif dans l’initiation, le maintien et la rechute des troubles liés à l’usage de substances (TUS) (Roehrs & Roth, 2015). En effet, les perturbations du sommeil augmentent souvent des facteurs qui favorisent la consommation de substances, tels que le stress, les troubles de l’humeur et la sensibilité à la douleur. De plus, la consommation chronique de substances addictives perturbe à la fois la qualité et la durée du sommeil, tandis que l’abstinence induit souvent de l’insomnie et des affects négatifs. Ces perturbations du sommeil et la dysrégulation émotionnelle intensifient les “cravings”, augmentant ainsi la probabilité de rechute. Cela suggère une relation bidirectionnelle entre les troubles du sommeil et les TUS (T. Roehrs et al., 2021).

Une étude récemment publiée par Moskal et al. (2024) souligne le rôle crucial de la santé du sommeil dans la compréhension des motifs de consommation de substances. Pendant 14 jours, l’étude a examiné l’impact quotidien de la durée et de la qualité du sommeil de la nuit précédente sur les motifs de consommation d’alcool et de cannabis le jour suivant chez des individus en bonne santé. Les résultats ont révélé que, pour le cannabis, une durée de sommeil plus courte était associée à une augmentation des motifs d’amélioration – c’est-à-dire l’utilisation du cannabis pour améliorer l’humeur ou le plaisir. Inversement, une meilleure qualité de sommeil semblait réduire la probabilité d’utiliser le cannabis à ces fins. D’autre part, une meilleure qualité de sommeil était liée à des motifs d’amélioration et de gestion de la dépression plus importants pour l’alcool, peut-être pour renforcer l’humeur positive et atténuer les symptômes dépressifs. Les auteurs ont suggéré que ces variations pourraient être dues aux différences de contexte dans lesquels l’alcool et le cannabis sont consommés.

Chez les personnes souffrant de TUS, la consommation chronique de substances peut entraîner des troubles du sommeil sévères et persistants, qui peuvent persister même pendant les périodes d’abstinence et constituer un facteur important de rechute (Angarita et al., 2016; Arnedt et al., 2012). Et bien qu’il existe des similitudes dans les motifs d’amélioration et de gestion de la dépression pour l’usage de substances entre les populations saines et celles atteintes de TUS, ces dernières font face à des défis supplémentaires tels que la dépendance, les “cravings” à forte intensité et des symptômes de sevrage sévères.

Ces résultats soulignent l’influence importante du sommeil sur les troubles liés à l’usage de substances, suggérant qu’améliorer la santé du sommeil pourrait atténuer les motifs associés à une consommation problématique. L’étude met en évidence la nécessité d’intégrer des interventions axées sur le sommeil dans le traitement des TUS, car la prise en charge des troubles du sommeil pourrait directement réduire les conséquences délétères, et servir de mesure préventive contre l’escalade des comportements de consommation problématique de substances.

Les options de traitement actuelles pour l’insomnie et autres troubles du sommeil incluent la pharmacothérapie (telles que les benzodiazépines et les sédatifs antidépresseurs) (Lie et al., 2015), qui se sont avérées efficaces pour améliorer le sommeil à court terme, mais présentent des risques d’effets secondaires négatifs et des preuves limitées quant à leur efficacité à long terme. D’autres options incluent la psychothérapie, plus précisément la thérapie cognitivo-comportementale pour l’insomnie (TCC-I), actuellement considérée comme le traitement de référence. La TCC-I regroupe une gamme d’approches non pharmacologiques, comprenant des stratégies éducatives telles que la psychoéducation et l’hygiène du sommeil, des techniques comportementales telles que la relaxation, la restriction du sommeil, le contrôle des stimuli et l’intention paradoxale, ainsi que des stratégies cognitives visant à identifier et à remettre en question les pensées dysfonctionnelles et les inquiétudes excessives concernant le sommeil (Van Straten et al., 2017).

En conclusion, intégrer la santé du sommeil au cœur des stratégies de traitement des troubles liés à l’usage de substances constitue une approche essentielle pour rompre le cercle vicieux de l’addiction. En favorisant des habitudes de sommeil optimales, nous pouvons non seulement réduire les comportements à risque, mais également renforcer l’efficacité des interventions thérapeutiques, offrant ainsi aux jeunes adultes de meilleures perspectives de rétablissement durable.

Article par Selim Abou-Rahal

Références

Angarita, G. A., Emadi, N., Hodges, S., & Morgan, P. T. (2016). Sleep abnormalities associated with alcohol, cannabis, cocaine, and opiate use: A comprehensive review. Addiction Science & Clinical Practice, 11(1), 9. https://doi.org/10.1186/s13722-016-0056-7

Arnedt, J. T., Conroy, D. A., & Brower, K. J. (2012). Treatment options for sleep disturbances during alcohol recovery. Journal of Addictive Diseases, 30(4), 257-276. https://doi.org/10.1080/10550887.2011.642758

Lie, J. D., Tu, K. N., Shen, D. D., & Wong, B. M. (2015). Pharmacological treatment of insomnia. P & T: A Peer-Reviewed Journal for Formulary Management, 40(11), 759-771. https://doi.org/10.1016/j.addbeh.2024.108237

McArdle, N., Ward, S. V., Bucks, R. S., Maddison, K., Smith, A., Huang, R., Pennell, C. E., Hillman, D. R., & Eastwood, P. R. (2020). The prevalence of common sleep disorders in young adults: a descriptive population-based study. SLEEP, 43(10). https://doi.org/10.1093/sleep/zsaa072

Moskal, K. R., Miller, M. B., Shoemaker, S. D., Trull, T. J., & Wycoff, A. M. (2024). Sleep quality and duration as predictors of alcohol and cannabis use motives in daily life. Addictive Behaviors, 108237. https://doi.org/10.1016/j.addbeh.2024.108237

Roehrs, T. A., & Roth, T. (2015). Sleep disturbance in substance use disorders. Psychiatric Clinics of North America, 38(4), 793–803. https://doi.org/10.1016/j.psc.2015.07.008

Roehrs, T., Sibai, M., & Roth, T. (2021). Sleep and alertness disturbance and substance use disorders: A bi-directional relation. Pharmacology Biochemistry and Behavior, 203, 173153. https://doi.org/10.1016/j.pbb.2021.173153

Van Straten, A., Van Der Zweerde, T., Kleiboer, A., Cuijpers, P., Morin, C. M., & Lancee, J. (2017). Cognitive and behavioral therapies in the treatment of insomnia: A meta-analysis. Sleep Medicine Reviews, 38, 3–16. https://doi.org/10.1016/j.smrv.2017.02.001

 

Catégories

Traitements innovants en toxicomanie

Mars 2025


Image: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/03/Healthy_lifestyle%2C_Zlat%C3%A1_Ba%C5%88a_25_Slovakia_1.jpg

Progresser sans arrêter complètement : Réduire sa consommation d’opioïdes peut améliorer la qualité de vie

Les traitements traditionnels contre la dépendance aux opioïdes sur ordonnance mettent souvent l’accent sur l’abstinence totale. Pourtant, cette approche ne convient pas toujours aux personnes concernées, en particulier avec l’augmentation de l’usage du fentanyl. Une approche de réduction des méfaits, qui vise à diminuer la consommation plutôt qu’à l’éliminer complètement, pourrait apporter des améliorations significatives, mais les recherches sur ce sujet restent limitées. L’article suivant discute d’une étude en lien avec une réduction de la fréquence de consommation d’opioïdes pendant le traitement dans le but d’améliorer divers aspects de la vie quotidienne. Les données de l’essai OPTIMA ont été analysées, où deux traitements courants du trouble lié à l’usage d’opioïdes ont été comparés : la buprénorphine/naloxone à domicile et la méthadone supervisée.

Sur une période de 24 semaines, 114 participants ont signalé leur fréquence de consommation d’opioïdes toutes les deux semaines, tout en évaluant leur bien-être au début et à la fin de l’étude. Les résultats montrent qu’une réduction de la consommation était associée à une meilleure santé physique et mentale, ainsi qu’à une diminution des problèmes liés à l’alcool. Cependant, l’impact sur l’emploi, la famille et les problèmes légaux n’était pas significatif. Les bienfaits étaient visibles chez les personnes qui consommaient 21 jours ou moins par mois. Ces résultats soulignent l’importance des stratégies de réduction des méfaits, démontrant qu’une approche visant à réduire la consommation, sans forcément viser l’abstinence immédiatement, peut améliorer la qualité de vie et fournir des bénéfices aux personnes concernées.

Lien de l’article: Opioid consumption frequency and its associations with potential life problems during opioid agonist treatment in individuals with prescription-type opioid use disorder: exploratory results from the OPTIMA Study – PubMed

 

Article par Anita Abboud


Catégories

Traitements innovants en toxicomanie

Février 2025


Panel sur le Continuum de la réduction des méfaits et les défis de son implantation dans les milieux de soins en santé mentale. Photo par Cédric Pek, 28 novembre 2024.

Le 28 novembre dernier a eu lieu la Journée scientifique annuelle du Centre d’expertise et de collaboration en troubles concomitants (CECTC). Des centaines d’acteurs et d’actrices du milieu de la santé mentale et de la toxicomanie, notamment des milieux hospitaliers, communautaires et politiques, ont participé à cette journée portant sur l’intégration des interventions en réduction des méfaits* dans les services de soins de santé mentale. Les présentations ont permis de mettre en lumière l’efficacité de certaines interventions, notamment la distribution de matériel d’injection et d’inhalation et les centres d’injection supervisées, dans la diminution des infections au VIH et à l’hépatite C et la réduction des surdoses mortelles chez les personnes utilisatrices de drogues. Des discussions animées et enrichissantes tout au long de la journée ont servi à identifier des barrières significatives dans l’intégration des approches de réduction des méfaits dans les services de santé mentale. Notamment, le manque de formation des intervenants et intervenantes en santé mentale, les barrières politiques et juridiques dans la collaboration entre les différentes instances du système de la santé et des services sociaux, la stigmatisation de la consommation de substances psychoactives, et la non-reconnaissance de l’expertise des pairs-aidants limitent l’accès et la qualité des interventions en réduction des méfaits. De nombreuses solutions à ces barrières ont été mises de l’avant, dont l’amélioration des conditions de travail et de l’intégration des pairs-aidants dans les équipes cliniques, la mise en place d’équipes multidisciplinaires incluant des spécialistes en éthique, la favorisation de la cohabitation entre les services de réduction des méfaits et la population générale et la collaboration entre les équipes sur le terrain et les milieux de recherche. 

*La réduction des méfaits est une approche interventionnelle visant à réduire les conséquences liées à la consommation de substances psychoactives. Les approches de réduction des méfaits les plus connues incluent les programmes d’accès au matériel d’injection et d’inhalation, les sites de consommation supervisée et la distribution de kits de naloxone (médicament permettant de renverser les surdoses d’opioïdes).

 

Si vous êtes intéressé.e à suivre une formation gratuite sur l’administration de naloxone, visitez le site Web du programme PROFAN 2.0 à l’adresse suivante : https://www.profan.ca/fr/offre-de-formations.

 

Pour facilement identifier des centres d’accès au matériel d’injection et d’inhalation près de chez vous, veuillez-vous référer à l’outil de recherche suivant : https://sante.gouv.qc.ca/repertoire-ressources/cami/.

 

Article par Gabriel Bastien


Catégories

Traitements innovants en toxicomanie

Novembre 2024


La santé mobile pour la recherche sur le cannabis

Bien que de nombreuses interventions et stratégies de prévention plus traditionnelles en santé mentale et en santé publique existent, certaines d’entre elles ayant démontré à plusieurs reprises leur efficacité (1,2), la vaste majorité de ces outils numériques demeure cependant sous-utilisée par la population qui pourrait en bénéficier. Les limitations conduisant à ce constat sont multiples (financières, socio-économiques, pénurie de personnel clinique, stigmatisation) (3) et les interventions demeurent peu investiguées par la communauté scientifique.

Ainsi, les interventions en santé mobile apparaissent comme une alternative moderne et accessible dont la popularité grandissante s’explique par leur accessibilité et leur facilité d’approche, surtout depuis la pandémie de COVID-19. En effet, de nombreuses revues de littérature systématiques et des méta-analyses d’essais randomisés contrôlés (RCT) sur le sujet ont été publiées lors de la dernière décennie (4,5). Les interventions en santé mobile pourraient être définies comme toute intervention médicale ou de santé publique déployée sous format numérique via un appareil mobile (messages textes, applications), des sites web, des systèmes de surveillance digitale, des assistants personnels digitaux ainsi que tout autre appareil sans fil, complexe ou non (6).

Dans le contexte de la consommation de cannabis au Québec, plusieurs applications mobiles existent ou sont en cours de développement avec un contenu varié et basé sur des données probantes en santé (informationnel, préventif, thérapeutique etc.). De plus, au sein de la littérature portant sur les recommandations d’utilisations plus sécuritaires du cannabis, une insistance est mise sur l’incorporation des stratégies de protections comportementales afin de réduire les risques liés à l’usage du cannabis (7). Un exemple de stratégie comportementale serait d’opter pour des produits à faible teneur en THC ou avec une proportion plus importante de CBD que de THC. (8)

Enfin, les interventions en santé mobile portant sur l’usage du cannabis seraient d’autant plus pertinentes pour rejoindre les jeunes adultes qui rapportent une préférence pour les approches virtuelles (9,10). C’est donc dans ce cadre précis qu’émergent deux essais randomisés contrôlés pilotes de deux applications mobiles, soit « Cannabis Harm-reducing Application to Manage Practices Safely (CHAMPS) » et « ICanChange » (ICC).

La première application vise à développer des méthodes de réduction des méfaits liés à la consommation de cannabis tandis que la seconde application vise à réduire la consommation de cannabis. Les deux projets de recherche ont pour objectif principal de mesurer la faisabilité de ce type d’interventions chez une population jeune de 18 à 35 ans ayant eu un premier épisode psychotique. D’autres types d’initiatives de santé mobile non interventionnelles mais observationnelles voient également le jour. L’une d’entre elles, nommée TRICCHOME, devrait débuter en janvier 2025. Elle permettra de peindre un portrait réaliste et détaillé de la consommation de cannabis des jeunes adultes consommant du cannabis au moins une fois par semaine via une application mobile. Ainsi, la santé mobile est en constante évolution et se présente sous plusieurs formes. Elle ouvre également la voie à plusieurs pans de possibilités pour la recherche sur le cannabis en dématérialisant les ressources, en offrant des interventions plus accessibles et en capturant des données clefs.

Pour en savoir plus et suivre l’évolution des projets mentionnés ci-dessus, nous vous invitons à consulter notre site web ainsi que nos réseaux sociaux.

Article par Amani Mahroug

Références

  1. Singh, V., Kumar, A., & Gupta, S. (2022). Mental health prevention and promotion—A narrative review. Frontiers in psychiatry, 13, 898009.
  2. Breedvelt, Josefien JF, et al. « A systematic review of mental health measurement scales for evaluating the effects of mental health prevention interventions. » European Journal of Public Health3 (2020): 510-516
  3. Kerridge BT, Mauro PM, Chou SP, Saha TD, Pickering RP, Fan AZ, et al. Predictors of treatment utilization and barriers to treatment utilization among individuals with lifetime cannabis use disorder in the United States. Drug Alcohol Depend.Dec 01, 2017;181:223-228.
  4. Perski O, Hébert ET, Naughton F, Hekler EB, Brown J, Businelle MS. Technology‐mediated just‐in‐time adaptive interventions (JITAIs) to reduce harmful substance use: a systematic review. Addiction. 2022 May;117(5):1220-41.
  5. Lehtimaki, S., Martic, J., Wahl, B., Foster, K. T., & Schwalbe, N. (2021). Evidence on digital mental health interventions for adolescents and young people: systematic overview. JMIR mental health8(4), e25847.
  6. WHO 2017 16. World Health Organization. Global Diffusion of eHealth: Making Universal Health Coverage Achievable. (World Health Organization, 2017).
  7. Côté, J., Chicoine, G., Vinette, B., Auger, P., Rouleau, G., Fontaine, G., & Jutras-Aswad, D. (2024). Digital Interventions for Recreational Cannabis Use Among Young Adults: Systematic Review, Meta-Analysis, and Behavior Change Technique Analysis of Randomized Controlled Studies. Journal of Medical Internet Research26, e55031.
  8. Fischer, B., Robinson, T., Bullen, C., Curran, V., Jutras-Aswad, D., Medina-Mora, M. E., … & Hall, W. (2022). Lower-Risk Cannabis Use Guidelines (LRCUG) for reducing health harms from non-medical cannabis use: A comprehensive evidence and recommendations update. International Journal of Drug Policy99, 103381.
  9. Coronado-Montoya, S., Abdel-Baki, A., Crockford, D., Côté, J., Dubreucq, S., Dyachenko, A., … & Jutras-Aswad, D. (2024). Preferences of Young Adults With Psychosis for Cannabis-Focused Harm Reduction Interventions: A Cross-Sectional Study: Préférences des jeunes adultes souffrant de psychose pour les interventions de réduction des méfaits axées sur le cannabis: une étude transversale. The Canadian Journal of Psychiatry, 07067437241242395.
  10. Tatar, O., Abdel-Baki, A., Dyachenko, A., Bakouni, H., Bahremand, A., Tibbo, P. G., … & Jutras-Aswad, D. (2023). Evaluating preferences for online psychological interventions to decrease cannabis use in young adults with psychosis: An observational study. Psychiatry research326, 115276.


Catégories
Traitements innovants en toxicomanie

Octobre 2024

L’unité de THC standardisée au Canada ?

 

Depuis que le cannabis récréatif a commencé à être vendu légalement au Canada en 2018, la gamme de produits proposés s’est considérablement élargie. Non seulement il y a plus de choix que jamais en termes de types de produits et de façons de les utiliser, mais aussi en termes de niveaux du composant actif, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC). La tendance, tant au Canada qu’à l’étranger, est aux produits de cannabis plus forts et plus puissants, ce qui signifie des niveaux plus élevés de THC. (Hammond et al., 2022) Mais la recherche a montré que la plupart des consommateurs ne sont pas familiers avec les niveaux de THC, ni avec ce qui constitue une dose « faible » ou « élevée » de THC. (Leos-Toro et al., 2020 ; Lineham et al., 2023) Cela peut conduire à une surconsommation accidentelle, entraînant des effets secondaires indésirables et des conséquences négatives pour la santé.

 

Un article récent de Shea Wood et de ses collègues, publié dans l’International Journal of Drug Policy, présente l’idée d’adopter une unité de THC standardisée au Canada.(Wood et al., 2024) L’unité de THC canadienne standardisée recommandée par les auteurs est de 2,5 mg, ce qui, selon la recherche, serait suffisant pour produire un « high ».(Kleinloog et al., 2014) Cette dose suit également les suggestions de sélection d’une unité standard suffisamment faible pour ne pas causer d’effets secondaires graves chez les nouveaux consommateurs de cannabis, qui sont susceptibles d’avoir une faible tolérance au THC et un plus grand besoin de conseils.(Chester et al., 2020) L’objectif de l’utilisation d’une unité standard de THC serait de mieux informer les consommateurs et de leur donner les moyens de prendre des décisions fondées sur des données probantes dans leur choix de produits et leur consommation de cannabis. Une unité de THC standard similaire est déjà utilisée par les chercheurs dans le domaine du cannabis, mais il y a encore beaucoup de choses à prendre en compte avant de l’adopter sur le marché canadien du cannabis.

 

Actuellement, le cannabis vendu au Canada est étiqueté avec les quantités de THC sous forme de concentration ou de quantité par dose, ainsi que la quantité totale par contenant (Gouvernement du Canada, 2024). Cependant, il y a beaucoup d’incohérence dans l’étiquetage entre les différents types de produits et entre les différentes provinces, ce qui peut rendre plus difficile pour les consommateurs de faire le lien entre les nombres de THC et la force du produit. Selon M. Wood et ses collègues, l’utilisation d’une unité standard aiderait les gens à comprendre la force d’un produit à base de cannabis, ce qui permettrait aux consommateurs de prédire plus facilement l’effet qu’il aura sur eux. En ajoutant la quantité d’un produit contenant une unité standard, par exemple 1 ml de liquide de vapotage ou 2 morceaux d’un produit comestible, les consommateurs pourraient décider à l’avance de la manière dont ils utiliseront le produit, plutôt que d’essayer de titrer leur consommation au cours de l’usage. Il serait également plus facile de suivre les tendances du marché et d’estimer la quantité de THC consommée par la population au fil du temps, ainsi que l’évolution de la puissance des produits du cannabis eux-mêmes.

 

L’une des principales questions est de savoir comment appliquer une seule unité de THC à tous les types de produits du cannabis, quelle que soit la manière dont ils sont utilisés. Par exemple, le THC est généralement moins bien absorbé par l’organisme lorsqu’il est consommé que lorsqu’il est fumé ou vapé, ce qui signifie qu’une quantité moindre atteint le cerveau. Wood et ses collègues expliquent que même si le THC contenu dans les produits comestibles est moins bien absorbé, les effets s’équilibrent car une plus grande quantité de THC est convertie en 11-hydroxy-THC, qui est tout aussi psychoactif, voire plus, que le THC. Les auteurs soulignent toutefois que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre comment le THC contenu dans les différents types de cannabis affecte les personnes, d’autant plus qu’il existe de nombreux autres cannabinoïdes, tels que le cannabidiol (CBD) et le delta-8-THC, qui diffèrent également d’un produit à l’autre.

 

Le choix et la mise en œuvre d’une unité canadienne de THC nécessiteront la prise en compte de nombreux facteurs, notamment la quantité de THC susceptible de causer des problèmes de santé en cas de consommation fréquente sur une longue période, et la manière dont l’unité normalisée s’inscrirait dans les lignes directrices et la politique actuelles en matière de santé publique. D’autres experts soutiennent que la méthode actuelle de mesure du THC en milligrammes peut répondre à tous les besoins de l’unité standard proposée. Si une unité standard de THC est adoptée au Canada, une campagne d’éducation publique à long terme sera nécessaire pour apprendre aux consommateurs ce que représente une unité de THC et comment elle peut différer d’un produit à l’autre. En fin de compte, toute décision prise doit répondre à l’objectif central de la loi sur le cannabis, à savoir « protéger la santé et la sécurité publiques » (Gouvernement du Canada, 2018).

 

Article par Lucy Chester

Références

Chester, L. A., Chesney, E., Oliver, D., Wilson, J., & Englund, A. (2020). How experimental cannabinoid studies will inform the standardized THC unit. Addiction, 115(7), 1217-1218. https://doi.org/10.1111/add.14959

Government of Canada. (2018). Cannabis Act (S. C. 2018, c. 16). Retrieved 20/11/2024 16:50 from https://laws-lois.justice.gc.ca/eng/acts/c-24.5/

Government of Canada. (2024, 30/01/2024). How to read and understand a cannabis product label. Retrieved 20/11/2024 16:05 from https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-medication/cannabis/personal-use/how-read-understand-cannabis-product-label.html

Hammond, D., Goodman, S., Wadsworth, E., Freeman, T. P., Kilmer, B., Schauer, G., Pacula, R. L., & Hall, W. (2022). Trends in the use of cannabis products in Canada and the USA, 2018 – 2020: Findings from the International Cannabis Policy Study. Int J Drug Policy, 105, 103716. https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2022.103716

Kleinloog, D., Roozen, F., De Winter, W., Freijer, J., & Van Gerven, J. (2014). Profiling the subjective effects of Δ 9 -tetrahydrocannabinol using visual analogue scales. In International Journal of Methods in Psychiatric Research (Vol. 23, pp. 245-256).

Leos-Toro, C., Fong, G. T., Meyer, S. B., & Hammond, D. (2020). Cannabis labelling and consumer understanding of THC levels and serving sizes. Drug Alcohol Depend, 208, 107843. https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2020.107843

Lineham, J., Wadsworth, E., & Hammond, D. (2023). Self-reported THC content and associations with perceptions of feeling high among cannabis consumers. Drug Alcohol Rev, 42(5), 1142-1152. https://doi.org/10.1111/dar.13664

Wood, S., Gabrys, R., Freeman, T., & Hammond, D. (2024). Canada’s THC unit: Applications for the legal cannabis market. International Journal of Drug Policy, 128, 104457. https://doi.org/https://doi.org/10.1016/j.drugpo.2024.104457